Le Royaume de Séraphin, d’un concours de nouvelles à la publication d’un livre jeunesse
7 février 2023Gagnante contre toute attente d’un concours littéraire, face à l’enthousiasme suscité par son histoire, Mélodie Ducoeur décline son œuvre en album jeunesse illustré. Rencontre avec l’auteure autour de ce livre destiné aux plus jeunes.
Novice dans le monde de la littérature, celle qui est désormais connue sous le pseudonyme Mélodie Ducoeur voit le destin lui sourire grâce au Royaume de Séraphin. Success story inopinée, avec cette nouvelle qui présente le petit Timéo, bébé décédé à la naissance mais qui se voit pousser des ailes et monte au Royaume de Séraphin où se trouvent d’autres joyeux enfants défunts, le but était seulement de s’initier à la rédaction. Cette première tentative dans l’univers littéraire a cependant instantanément été auréolée d’un véritable engouement de la part des lecteurs.
Suite aux recommandations de ses proches, appuyées par ses fans, l’auteure adapte son histoire en petit livre illustré. Malgré ce thème sensible, fidèle au récit initial, rien de sordide ne ressort de cet ouvrage destiné aux enfants, bien au contraire. Les protagonistes, délicieux chérubins dessinés par l’illustratrice Mangoo, usent de leurs super-pouvoirs pour s’attacher, de façon ingénue et avec humour, à consoler leur famille respective qui ne se doute nullement des péripéties que traversent ceux qu’ils pensent disparus. L’objectif principal est de proposer un support pour apporter du réconfort aux familles en deuil et sensibiliser pédagogiquement les tout petits à ces questions relatives au deuil.
Pourriez-vous brièvement raconter votre parcourt d’auteure et comment cette histoire a-t-elle germée dans votre esprit ?
C’est tout à fait le hasard et c’est ensuite allé très vite. J’avais envie d’écrire mais je ne savais pas du tout sur quel sujet. Je me suis ainsi mise à la recherche d’un concours de nouvelles où le thème serait imposé. Il s’agissait : « d’ailes et de plumes ».
J’ai alors imaginé ce bébé avec des ailes, qui a des superpouvoirs et des missions à accomplir sur la Terre dont notamment celle de redonner le sourire à sa famille restée ici-bas. Pour moi, c’était juste une petite histoire pour le concours mais elle m’amène finalement à devenir coup de cœur du jury. Tout le monde s’est ensuite emballé sur ce récit en me suggérant de le transformer en album jeunesse pour les petits, et d’en faire un roman puisque le texte était beaucoup trop court.
En parallèle, de nombreuses personnes qui avaient perdu un bébé et des thérapeutes du deuil périnatal m’ont contacté pour m’apprendre que je le leur redonnais le sourire avec cette histoire. Cela me semblait irréaliste, surtout que c’était la première fois que j’écrivais, je n’avais pas imaginé que mes mots pourraient avoir un tel impact sur les lecteurs.
N’aviez-vous pas peur de choquer par ce thème tabou ?
Je n’ai rien anticipé, j’écrivais juste une petite histoire pour un concours et au contraire les réactions ont été à l’inverse. Je n’avais pas imaginé de telles retombées et je suis un peu tombée des nues en entendant ces flatteries.
Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore lu, pourriez-vous brièvement raconter l’univers autour de votre livre jeunesse Le Royaume de Séraphin ? Pourquoi est-il accessible aux jeunes enfants ?
On se met à la hauteur des enfants parce que les personnages principaux, mes petits héros, sont des enfants qui ont des ailes, des bébés qui ont quitté la Terre. Ils ont tous des super-pouvoirs et utilisent la magie. Certains sont munis d’une baguette magique, d’autres claquent des doigts pour l’exercer. Les enfants s’identifient très facilement à ces petits personnages qui leur ressemblent. L’un a notamment le pouvoir de créer des arcs-en-ciel, c’est très concret pour les enfants et je pense que c’est pour cela que ça leur parle autant.
Qu’est-ce qui vous a poussé à décliner votre nouvelle en livre jeunesse ?
La demande des lecteurs quand ils ont lu ma nouvelle. Tout le monde imaginait un album jeunesse et un roman et je n’ai fait que répondre à la demande.
Cet ouvrage est illustré par Mangoo. Comment avez-vous rencontré l’illustratrice ?
J’avais mis une annonce sur internet, via les réseaux sociaux, en expliquant que je cherchais quelqu’un pour illustrer ce projet. J’ai reçu tellement d’offres qu’en vingt-quatre heures j’ai retiré mon annonce. Parmi les personnes qui souhaitaient travailler avec moi, j’ai demandé à chacun de réaliser une illustration de la même scène, je voulais voir comment ils imaginaient mes petits personnages. Certains n’ont pas voulu dessiner sans être rémunéré, cela m’a permis de réaliser un premier un tri.
J’ai adoré les dessins de Mangoo, les bonnes petites bouilles des bébés, ça m’a parlé. C’était aussi la seule personne à avoir dessiné naturellement un petit personnage de peau noire. Ça, c’était hyper important pour moi et elle ne pouvait pas le savoir. Je me suis dit qu’on était vraiment en phase. Je suis quelqu’un de très tolérante et qui appelle à cette tolérance, au respect de l’autre, dans la différence. Elle semblait dans la même optique.
Nous ne nous sommes cependant jamais rencontrées physiquement pour le moment. C’est un souhait des deux parties mais ça ne s’est pas encore réalisé. Elle vit dans le sud de la France et moi je suis tout au nord, près de la Belgique et du Luxembourg.
Comment s’est déroulée cette collaboration malgré la distance géographique ?
Pour le concevoir, je suis partie de la nouvelle. J’avais tout d’abord écrit le texte de la version jeunesse et c’est seulement après que je me suis lancée dans le roman. Ensuite, nous avons travaillé via internet Mangoo et moi. Je lui accordais une totale confiance sur ses dessins. Il y a eu des petites adaptations parfois, des choses que l’on a remis au point mais c’était toujours très léger. Je l’ai vraiment laissée libre dans sa création. Elle avait touché mon cœur, déjà, avec ses premières illustrations. Le courant est très bien passé, on a toujours été en phase, elle a toujours compris ce que j’attendais alors que moi-même je ne le savais pas vraiment. Elle ne m’a jamais déçue. Je ne lui ai pas demandé de changer grand-chose parce que ce qu’elle imaginait me convenait.
Une semaine après avoir envoyé cet ouvrage à des maisons d’édition, je recevais déjà une réponse positive. L’éditeur en question voulait le publier un an et demi plus tard. On a alors pris le temps de la réflexion et choisi la voie de l’autoédition.
Comptez-vous continuer dans cette voie des livres jeunesses ?
Oui, jeunesse et roman. En version adulte je viens de sortir une suite au premier tome qui est un roman de Noël. J’aimerais maintenant l’adapter pour les enfants, j’ai déjà écrit l’histoire et je vais voir avec l’illustratrice si elle souhaite que l’on continue ensemble. J’aimerais beaucoup, elle a un talent fou et on est tellement en phase sur tous les sujets que j’ai très envie de poursuivre avec elle. Les dessins parlent aux enfants et aux parents. Et puis, j’aimerais bien l’adapter aussi pour les 9-13 ans, comme j’ai fait une version du premier roman pour cette tranche d’âge. Je connais un jeune garçon de douze ans qui attend avec impatience la suite (rires).
J’ai également déjà en tête un prochain tome, un troisième. Je pense que dans cette suite on sera encore dans le royaume de Séraphin. Le thème demeure assez vaste et j’ai encore une idée en tête. Pourtant, quand j’ai écrit le premier je n’étais déjà pas sûre qu’il y en aurait un deuxième. Je ne savais pas si j’écrirais autre chose sur un sujet différent. Je ne sais jamais à l’avance, quand j’ai une idée dans la tête elle ne me quitte plus.
Comment avez-vous trouvé votre pseudonyme Mélodie Ducoeur ?
Ce nom de plume me parle totalement. L’idée m’est venue comme ça, je ne sais toujours pas l’expliquer, tout comme le reste, je ne me pose jamais de questions, j’écris simplement comme ça me vient, sans réfléchir. J’aime beaucoup la mélodie, la musique, la musicalité de la langue française, les rimes, le rythme. « Mélodie » c’était vite une évidence. J’ai ensuite choisi « Ducoeur » parce que je m’exprime avec mon cœur, mes émotions, sans filtre, c’est vraiment la mélodie du cœur, la musique du cœur. Cela pourrait peut-être sembler un peu niais pour certaines personnes mais moi, ça me correspond.
Pourquoi écrivez-vous sous pseudonyme ?
Quand j’ai écrit la nouvelle pour le concours, il y a eu ensuite un recueil avec tous les lauréats. On m’avait demandé si j’avais un nom de plume. Comme c’était la première fois que j’écrivais j’ai répondu que non, qu’il fallait mettre mon vrai nom. Et puis, en fait, dans l’intervalle, j’étais tellement contente d’avoir gagné, d’être coup de cœur du jury pour le premier texte que j’écris, que je l’ai envoyé à tous mes contacts sur la messagerie instantanée Messenger. Ils ont tous partagé cette histoire en masse, et puis tout le monde revenait vers moi pour m’encourager. Il y avait toutes ces personnes qui me disaient que je leur redonnais le sourire, les thérapeutes du deuil périnatal qui faisaient passer cette nouvelle à leurs patients pour les aider à surmonter leur douleur. Et là, il y avait déjà des personnes qui voulaient me rencontrer, qui me demandaient des dédicaces. Toute cette situation m’a faite hyper peur. C’était beaucoup trop brutal, beaucoup trop rapide. Je n’étais pas préparé à cela. J’ai alors voulu me cacher derrière un nom de plume. Je me suis créée un profil spécial d’auteure qui n’avait plus de lien avec ma vie privée sur les réseaux sociaux. C’est avant tout la peur qui m’a amenée à prendre un pseudonyme.
Pour l’anecdote, au mois de juin 2021, j’envisageais réellement de faire les séances de dédicaces avec un masque comme les Daft Punk pour me cacher, j’étais un peu terrorisée par tout ça, il fallait le temps que ça fasse son chemin dans ma tête. Maintenant, je suis complètement à l’aise mais il a fallu ce petit temps d’adaptation parce que, pour moi, c’était trop violent.
Il semble que vous ayez reçu des retours très enthousiastes de la part de lecteurs et lectrices, comment le vivez-vous ?
C’est au-delà de mes espérances, je n’ai rien anticipé, j’ai juste écrit un texte pour un concours. Je ne m’attendais pas à un tel engouement. C’est un choc, mais ça m’a fait super plaisir de me dire que quelqu’un qui a perdu un bébé me remercie et me dise que je lui ai redonné le sourire. Cela me semblait tellement improbable, ça me rend heureuse. C’est génial d’avoir ce don quelque part, d’être capable de susciter ce type de sentiments alors que je parle juste avec mon cœur, j’exprime mes émotions. Me dire que mes mots ont ce pouvoir de réconforter, redonner le sourire, que j’arrive à transmettre mon optimisme à toute épreuve au lecteur, c’est magnifique. À chaque retour de lecture je suis émue, ça me pousse à aller en avant, à donner le meilleur de moi-même, c’est hyper valorisant. Je n’ai que cet objectif de déposer du bonheur dans le maximum de foyer.
Un dernier mot pour convaincre les parents qui seraient encore indécis quant à la lecture de ce livre à leurs enfants ?
Il y a souvent une réticence au départ parce qu’on touche un thème douloureux mais par contre toutes les personnes qui l’ont lu sont unanimes pour dire qu’on le referme avec le sourire, que c’est un livre qui fait du bien, qu’il enlève les angoisses qui peuvent être liées à la mort. Je suis d’ailleurs invitée à intervenir dans une école maternelle pour parler de ces super-pouvoirs présents dans mon histoire et j’étais dernièrement dans un collège également.
Êtes-vous souvent invitée à présenter votre ouvrage ?
Je commence à l’être de plus en plus souvent. L’année dernière je faisais beaucoup de séances de dédicaces, quatre à cinq par semaine entre le mois de mars et août. J’ai souvent dédicacé lors de brocantes, cela m’a permis de rencontrer beaucoup de personnes et notamment de nombreux enseignants qui étaient naturellement attirés vers mon stand. Dès qu’ils ont vu mon univers, ils m’ont demandé si je pouvais intervenir dans leur classe.
FEDIDA Michel-Angelo