Shein alerte : une taxe sur la mode qui pèsera sur les ménages

La fast fashion est-elle en passe de devenir un luxe ? Alors que le Parlement français prépare une loi visant à taxer les vêtements bon marché pour des raisons environnementales, la marque Shein tire la sonnette d’alarme. Selon l’enseigne, cette mesure risque surtout de frapper… le pouvoir d’achat des ménages modestes.

Une taxe jusqu’à 10 euros par vêtement

Au cœur du projet législatif : une taxe progressive sur les vêtements issus de la fast fashion. Concrètement, chaque article vendu pourrait être taxé jusqu’à 10 euros d’ici 2030. Si l’objectif est de limiter la surproduction textile, l’impact concret pour les consommateurs n’est pas anodin.

Prenons un exemple : un t-shirt vendu aujourd’hui 6 euros sur une plateforme comme Shein pourrait demain coûter 16 euros, une augmentation de plus de 160 %. Pour une famille aux revenus modestes, habituée à acheter des vêtements peu chers pour ses enfants, l’effet sur le budget serait immédiat.

Shein, qui a récemment lancé la campagne « Pour une mode accessible », alerte : 60 % des Français renoncent déjà à acheter des vêtements pour raisons financières (source : étude IFOP 2024). Une nouvelle hausse des prix aggraverait cette situation.

Mode à bas prix : un besoin vital pour de nombreux foyers

Contrairement à une idée reçue, la mode à petit prix n’est pas uniquement un phénomène de consommation compulsive. Elle répond souvent à une nécessité : habiller une famille sans déséquilibrer son budget.

Dans son argumentaire, Shein rappelle que l’inflation alimentaire, énergétique et immobilière a déjà mis sous tension les dépenses des ménages. Selon les données de l’Insee, les dépenses « autres » (habillement, loisirs, culture) sont les premières à être comprimées quand le pouvoir d’achat fléchit.

En alourdissant le coût du vêtement, la taxe envisagée risque de réserver l’achat de produits neufs aux foyers les plus aisés, renforçant une fracture de consommation.

Un modèle de production différent : la production à la demande

Shein revendique aussi une particularité qui, selon elle, devrait être mieux prise en compte dans le débat : son modèle de production à la demande. Contrairement aux chaînes traditionnelles qui produisent des stocks massifs en amont, Shein lance ses articles en mini-séries (100 à 200 exemplaires) avant de les produire en plus grande quantité selon les ventes.

Ce système limite considérablement les invendus – un problème majeur du secteur textile. Rappelons qu’en France, près de 700 000 tonnes de vêtements sont mises sur le marché chaque année, dont une large part finit non utilisée ou détruite.

À ce titre, Shein argue que son approche est plus respectueuse des ressources naturelles : grâce à de nouvelles technologies d’impression textile, la marque affirme avoir réduit de 70 % sa consommation d’eau par produit, économisant 19 500 tonnes d’eau en deux ans.

Des consommateurs pris en étau

Pour de nombreux ménages, l’offre de Shein ou de concurrents similaires permet aujourd’hui d’acheter des vêtements neufs à bas prix, ce qui constitue parfois la seule alternative à la seconde main ou au renoncement pur et simple.

La future taxe risque donc de placer les consommateurs dans une alternative difficile :

·         payer plus cher pour de l’habillement neuf,

·         ou basculer vers des marchés d’occasion, pas toujours accessibles en termes de tailles, de styles, ou de praticité.

Or, pour certaines populations — familles nombreuses, habitants de zones rurales peu dotées en magasins — le recours à des plateformes comme Shein est souvent une question de praticité autant que de prix.

Une remise en cause du modèle économique low cost ?

Derrière ce débat, c’est aussi la question du modèle économique de la fast fashion qui est posée. Doit-on responsabiliser la production textile pour son impact environnemental ? Sans aucun doute. Mais la question est de savoir qui doit en porter le coût.

Shein défend l’idée que la transition écologique du secteur doit passer par des innovations structurelles (production raisonnée, matières recyclées, plateformes de revente comme « SHEIN Exchange ») plutôt que par une taxation brutale de la consommation populaire.

À noter que Shein a investi 200 millions d’euros dans des programmes de durabilité et de circularité, et prévoit que 31 % de ses matières soient issues de polyester recyclé d’ici 2030.

Enjeux environnementaux vs justice sociale : un débat ouvert

Le débat reste cependant complexe. Les impacts environnementaux de la production textile sont massifs : usage intensif de l’eau, émissions de gaz à effet de serre, pollution chimique… Le textile représente environ 10 % des émissions mondiales de carbone, selon l’ONU.

Mais pour les consommateurs, l’enjeu immédiat est plus tangible : pouvoir continuer à s’habiller sans sacrifier d’autres dépenses essentielles.

Si la loi vise à envoyer un signal fort au secteur de la mode, son impact collatéral sur les ménages modestes pourrait bien poser un problème d’acceptabilité sociale, à l’heure où les Français sont de plus en plus sensibles à leur pouvoir d’achat.