Pourriez-vous présenter votre parcours et ce qui vous a mené à l’écriture ?
C’est une passion que j’ai depuis très longtemps. Quand j’étais adolescent, j’ai écrit un recueil de poésie qui a été publié. Ensuite, la vie faisant, il faut nourrir sa famille et j’avais des envies d’entreprendre. J’ai créé plusieurs entreprises. Il y a quatre ans maintenant, j’ai envisagé de céder mon entreprise pour m’adonner à d’autres centres d’intérêts et en particulier à ma passion pour l’écriture. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé ce roman un petit peu tardivement. Aujourd’hui je me consacre à la fois à l’écriture et à la fondation caritative que j’ai mise en place.
Pouvez-vous brièvement résumer votre ouvrage et comment cette intrigue a germé dans votre esprit ?
C’est un roman d’anticipation. Ce qui est assez amusant c’est que depuis que je l’ai achevé, fin 2023, il y a beaucoup de choses présentées dans le récit qui arrivent dans l’actualité. Sur mon site d’auteur j’ai créé une rubrique « actualité » qui relaye un certain nombre d’avancées techniques, technologiques, scientifiques et même anthropologiques qui ont été mises en œuvre depuis la sortie du livre et qui finalement corroborent mes prévisions.
Je lis Sciences et Avenir depuis des lustres, je m’intéresse aux sciences, à l’actualité, je suis un passionné d’astronomie, j’aime beaucoup l’histoire, les cultures, l’anthropologie et les voyages. Ce qui m’intéressait dans Elsa Malt – L’odyssée des consciences (Les Éditions Baudelaire, 2024) était d’explorer un avenir pas si lointain – on n’est pas en 2300 –, mais dans trente, trente-cinq, quarante ans maximums. J’y expose comment les choses pourraient advenir avec les technologies, l’intelligence artificielle, l’Homme augmenté, les neurosciences, etc. Je souhaitais m’engouffrer dans une réflexion qui pousse à comprendre pourquoi l’Homme souhaite toujours aller plus loin, non seulement avec des machines mais en termes de sens. Il m’a semblé que le sens ultime de la nature humaine était de prolonger la vie. C’est un défi que de tout temps l’humanité a cherché à accomplir. On a prolongé la vie grâce à des moyens scientifiques, médicaux, sociaux notamment mais on sait que biologiquement il y a bien évidemment une limite.
L’intrigue débute avec le décès du fils de mon héroïne, qui, elle-même, est à la tête d’un empire technologique. Elle ne supporte pas cette perte. Elle n’arrive pas non plus à se projeter dans le décès futur de ses parents et à l’idée de ne plus communiquer avec. Elle se dit qu’avec son entreprise, son empire, elle a la capacité de travailler sur l’abolition de ce qu’on appelle aujourd’hui la mort. Alors, évidemment il y a la mort du corps physique mais en considérant que le siège de la conscience est dans le cerveau, il y aurait la capacité de le conserver pour pouvoir rendre éternel l’être humain. Le problème, c’est la coexistence sur notre planète des anciennes et des nouvelles générations. En ce sens et pour un certain nombre de raisons de sécurité, elle décide, comme elle a l’exclusivité de l’exploitation de la mine de Jupiter, Callisto, d’y fonder son centre d’hébergement des cerveaux. En effet, au bout d’un moment il est clair que les anciens seront beaucoup plus nombreux que les nouvelles générations. Il convient de garder une sorte d’équilibre. Elle achemine alors tous ces cerveaux sur Callisto. Tout ceci est géré par la robotique, les neurosciences et puis une intelligence artificielle. Tout va bien, elle réussit son pari. Évidemment, avec cette performance, la demande est assez forte, elle devient encore plus riche.
Il y a néanmoins le grain de sable qui arrive alors qu’elle avait anticipé beaucoup de choses et mis en place des contre-mesures pour les divers soucis qui pourraient surgir. Des imprévus surviennent néanmoins. Entre autres, elle avait mal mesuré l’ennui, c’est-à-dire qu’au bout d’un moment l’éternité est un peu compliquée à appréhender. C’est un premier type de problématique mais il y en a beaucoup d’autres. En particulier parce que les cerveaux se sentent un peu désœuvrés. Ils ont parfois une certaine nostalgie de ce qu’ils faisaient sur Terre ou bien du pouvoir qui était le leur en fonction des personnalités.
C’est un roman d’anticipation mais c’est aussi peut-être une véritable exploration des défis auxquels on pourrait être confrontés à l’ère des grandes avancées technologiques. Il s’agit d’un texte qui à la fois permet de réfléchir si on en a envie mais aussi qui divertit.
Y a-t-il des productions artistiques et culturelles qui vous ont influencé ?
Volontairement, je n’ai pas souhaité lire ou relire d’ouvrages qui rejoignent le thème pour ne pas être trop influencé dans le développement de ma propre idée. Ici, il ne s’agit pas du double numérique de proches qui continuent à persister. C’est vraiment la personne, sa conscience qui survit. Cela permettait de soulever d’autres problématiques, notamment comment cette persistance de la conscience peut vivre et évoluer.
Comme je lis un certain nombre de magazines scientifiques, je suis de manière assez régulière – et ça depuis très longtemps – l’évolution et je vois bien que tout s’accélère. Je me suis un peu nourri de tout cela pour développer un socle crédible à mon anticipation.
Mon roman touche notamment à la colonisation de l’espace par des firmes privées. On voit aujourd’hui que les voyages dans l’espace sont aussi organisés par des acteurs privés. J’y souligne un peu également la notion du consentement parce que, finalement, se voir conscientisé dans son cerveau à des millions de kilomètres, des gens peuvent très bien ne pas être emballés. Donc, respecte-t-on ou non cette volonté ? Je questionne également la notion d’être humain. Est-ce que nous demeurons humains quand notre cerveau est alimenté par des neurosciences gérées par l’IA ? Est-ce que les consciences ne sont pas captives ? Ce sont toutes ces conceptions, avec en outre la notion de survie, le paradigme du temps et l’ennui de l’éternité que j’essaie d’évoquer.
Aimeriez-vous vivre dans le futur que vous dépeignez ?
Il y a deux questions dans votre question. La première c’est peut-on vivre dans ce futur ? Personnellement, je ne suis pas très emballé. Il y a des facilités dans le monde que j’anticipe à travers ce roman mais l’Homme augmenté ne me fait pas tellement rêver. La deuxième question c’est finalement est-ce qu’on apprécierait d’être conscientisés, d’avoir son cerveau qui résiste et sa conscience qui persiste ? J’avoue ne pas avoir une réponse très définie. C’est-à-dire que d’un côté cela peut paraître effectivement assez séduisant de s’adonner à des passions, découvrir des choses – même si leur dimension reste virtuelle – et garder contact avec ses descendants et proches. Le problème réside dans un autre souci que j’évoque. Avec le temps, plus personne ne vous connaîtra et vous ne connaîtrez personne ni même vos enfants et petits-enfants. Finalement, vous serez complètement isolé en tant que conscience. C’est pour cela d’ailleurs que j’avais envisagé dans ce projet ce que j’appelle la terminaison. C’est-à-dire que les consciences qui commencent à en avoir assez décident d’arrêter-là. C’est un suicide assisté d’une certaine manière.
D’un côté ce pourrait être intéressant de vivre cette expérience pour quelques années, le temps de voir ses enfants, ses petits-enfants grandir mais sur l’éternité je ne suis pas sûr de la pérennité de cette prouesse.
Votre ouvrage propose une réelle réflexion grâce à ses débats sur la conception de la mort ainsi que sur la dimension éthique d’une conscience immortelle. Comment avez-vous procédé pour proposer une réflexion aussi complète et quel impact espérez-vous que votre livre ait sur les lecteurs ?
J’ai passé du temps, j’ai réfléchi, je me suis moi-même posé la question mais dans ces débats il n’y a pas une réponse claire et nette – cela dépend des conceptions et pensées de chacun. C’est d’ailleurs ce qui est montré dans le livre. À un moment donné Elsa Malt est absolument convaincue et ensuite elle se met à douter. Une fois que je voyais un peu où ça allait, l’idée était de se projeter dans les conséquences, notamment la répercussion sur l’éternité, sur les nouvelles générations, sur l’individu et son mode de subsistance virtuel. C’est vraiment un travail de réflexion que j’ai mené. Je ne prétends pas du tout que ce soit exhaustif ni donner un mode d’emploi. Chacun peut y réfléchir avec sa vision et sa culture. Dans le livre, j’évoque aussi des cultures asiatiques et autres qui n’ont pas la même vision des choses que nous autres occidentaux.
J’ai suivi des débats et échanges philosophiques. J’ai écouté aussi quelques conférences. Cela m’a plutôt servi à développer l’argumentaire, c’est-à-dire qu’il y a du pour et du contre et j’ai choisi la voie pour mon héroïne. Il était intéressant de ne pas donner une réponse de manière définitive mais de concevoir une histoire qui interroge. Ce roman, c’est aussi du divertissement, ce n’est pas un ouvrage philosophique. Au fil de l’histoire, les lecteurs peuvent se demander s’ils aimeraient être conscientisés. Si au bout de 200 ans il y avait des milliards de consciences ailleurs, quel sens cela aurait ? Le livre pose un certain nombre de questions que chacun peut évoquer à la fois de manière sociétale et très individuelle voire même religieuse. Ce livre permet de s’interroger mais un lecteur peut très bien le prendre comme un simple divertissement sans aller plus loin.
À quel lectorat s’adresse votre ouvrage ?
À un lectorat assez large, j’ai essayé d’être assez vulgarisateur entre guillemets. Je parle des technologies mais de manière simple. Il ne s’agit ni d’un ouvrage technologique ni scientifique, l’idée reste de divertir. Aujourd’hui, quand vous allumez la télé ou ouvrez un magazine, partout on vous parle de l’IA, d’Elon Musk qui envoie ses fusées, etc.
Les plus jeunes en entendent parler à l’école ou sur les réseaux sociaux, les médias s’en font l’écho. Je dirais que tout le monde peut se poser ces questions. Les anciens réfléchiront plus à l’idée de survie parce que ce sont des questions qu’on commence à se poser après 50-60 ans. Les plus jeunes pourront aussi être interpellés quant à l’avenir de la société parce que 2054 ce n’est pas si loin. Cela donne à réfléchir à la société qu’on aura avec la robotisation et l’Homme augmenté qui sera un changement anthropologique majeur – j’en suis convaincu. Neuralink en est les balbutiements mais la recherche évolue à une vitesse exponentielle. Dans les années à venir c’est quelque chose qui sera au point et dans un terme assez court qui se généralisera. Pour les plus jeunes, se projeter dans cet avenir qui pourrait devenir le leur, ce n’est pas inintéressant d’y réfléchir. En tout cas, il n’y a pas besoin d’avoir des connaissances scientifiques ou d’être un fan d’actualité transhumaniste pour lire cet ouvrage.
Pourquoi avoir choisi une femme comme principale protagoniste ?
Je trouvais que c’était intéressant d’imaginer une riche femme à la tête d’une multinationale. Je pense que c’est un signe des temps et il y en aura à mon avis de plus en plus, du moins il faut le souhaiter. Je crois que dans l’avenir il y aura de plus en plus d’Elon Musk ou Bill Gates au féminin. Cela adresse un message d’espoir à toutes les femmes entrepreneures aujourd’hui. Aussi, Elsa Malt est mère et la perte de son fils lui insuffle une motivation absolument incroyable pour monter ce projet. C’est le déclencheur de l’intrigue.
Quels sont vos projets littéraires futurs ?
J’ai terminé une pièce de théâtre et j’ai écrit un recueil qui est actuellement en cours d’édition. Le genre que je préfère pour l’écriture reste cependant le roman. J’avais déjà depuis quelques mois l’idée d’un roman historique qui se déroule au XVIIIème siècle. Je viens de clôturer la base du synopsis et j’ai entamé l’écriture. Il sera en volume certainement plus imposant qu’Elsa Malt. Cela m’amusait après m’être plongé dans l’avenir de revenir un petit peu en arrière. Autant, avec les connaissances, les réflexions, etc., je ne dis pas que c’était simple mais pour un roman d’anticipation il fallait être un minimum crédible. Autant dans le passé, c’est passé, si vous faites référence à des événements ou des endroits, par exemple un pont dans une ville qui n’a été construit qu’au XIXème alors que vous racontez qu’un personnage le traverse au XVIIIème siècle ce n’est plus crédible. Il faut être extrêmement rigoureux. Cela demande beaucoup plus de recherches que pour le premier.
Michel-Angelo F.
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