Les buralistes disposent d’une appli pour dénoncer les trafiquants de cigarettes. Baptisée « Stop trafic tabac », elle tend à limiter au maximum un marché noir toujours plus puissant dans l’Hexagone. Les buralistes normands et l’Etat ont par ailleurs signé le 25 janvier dernier une convention qui vise à renforcer la lutte contre la contrebande de tabac.
Depuis 2021, les buralistes français témoins de trafics dans la rue ou sur internet peuvent les signaler en quelques clics via l’appli Stop trafic tabac. Réservée aux professionnels, cette plateforme accompagne les douaniers dans leurs traques de trafiquants de cigarettes ou de vendeurs à la sauvette.
Stop trafic tabac permet aux buralistes d’indiquer toutes les informations utiles à une enquête, comme les produits concernés, les marques, les lieux de vente ou encore les méthodes d’approvisionnement. Les services de douanes (nationaux ou locaux) récoltent ensuite ses données pour monter rapidement et efficacement leurs opérations.
Plus de 1 500 signalements ont été recueillis dans toute la France en 2021. La Confédération des buralistes espère obtenir des résultats équivalents en 2022. Leurs ambitions sont encore plus grandes pour cette année puisque l’appli va être améliorée. Une démarche nécessaire quand on sait que le marché parallèle de la cigarette ne cesse de progresser depuis 15 ans.
Inscrit dans un plan de lutte global contre le trafic de cigarette, l’appli n’est pas la seule initiative menée en France. Le préfet de l’Eure Simon Babre et la Confédération des buralistes du département se sont par exemple retrouvés au tabac « Le Rolivalois » de Val-de-Reuil le 25 janvier pour signer une convention visant à encadrer la coopération entre les services de l’Etat et les buralistes dans la lutte contre les délinquances associées à la contrebande de cigarettes.
Cette convention prévoit aussi de mieux protéger les buralistes des cambriolages, en s’appuyant sur la police et la gendarmerie. C’est pourquoi les deux hommes étaient entourés du procureur, du responsable interrégional des douanes de Normandie et des représentant des forces de l’ordre.
« Il s’agit de mettre en lumière la contrebande, le marché parallèle et les achats hors réseau, qui sont en train de déstabiliser profondément la profession », indique le président de la Confédération des buralistes de l’Eure et gérant du Rolivalois Fabrice Lefebvre.
Grâce à cette convention, l’intégralité des parties prenantes pourront interconnecter leurs services. « Lorsqu’un trafic sera avéré, nous pourrons mobiliser l’ensemble des moyens nécessaires. Ce n’était pas forcément le cas avant », rappelle Fabrice Lefebvre.
L’accord intervient 15 jours après le démantèlement de la plus grande fabrique de cigarettes de contrefaçon de France, située à Saint-Aubin-lès-Elbeuf (Seine-Maritime). De manière générale, les saisies de cigarettes contrefaites augmentent chaque année.
D’après un rapport parlementaire, 33% des cigarettes achetées dans l’Hexagone sont aujourd’hui issues de marchés parallèles (vente à la sauvette, achats frontaliers, réseaux sociaux…). Ces marchés feraient perdre 3 milliards d’euros par à la Sécu et l’Etat.
L’explosion des trafics inquiète vivement les buralistes. Le volume des ventes de Fabrice Lefebvre a par exemple été divisé par quatre en 25 ans. Un manque à gagner colossal. « La sonnette d’alarme a été tirée depuis de longues années. A notre échelle, nous sommes vite au courant de ce qu’il se passe : lorsqu’on voit des clients acheter des produits comme des tubes ou des feuilles et repartir sans tabac, on se doute qu’il y a un problème », souligne-t-il.
Selon Fabrice Lefebvre, la contrebande de cigarettes repose sur trois piliers : la hausse constante du prix du paquet, l’accessibilité du produit et le manque d’autorité de l’Etat concernant les réseaux de trafiquants.
« Une personne qui veut faire de la contrebande a beaucoup plus à gagner, financièrement et au niveau des peines encourues, à opter pour les cigarettes plutôt que la drogue. Il est très facile de se procurer le produit à un prix moindre, au Luxembourg par exemple », poursuit le buraliste.
Si la stratégie de lutte anti-tabac du gouvernement basée sur la hausse de la fiscalité a le mérite de diminuer le nombre de fumeurs, elle encourage toutefois les marchés parallèles. Le prix du paquet a été multiplié par 12 en depuis 1998, et les Français en manque de pouvoir d’achat se tournent malheureusement vers le marché noir.
Pour contrer le trafic, la Confédération des buralistes propose d’infliger aux trafiquants de tabac les mêmes peines que celles dédiées aux trafiquants de drogue. L’idée étant de jouer sur la dissuasion. L’organisation a transmis au ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti une doléance à ce sujet, qui a d’ores et déjà reçu un bon accueil.
Une personne prise en train de fumer une cigarette contrefaite risque actuellement une amende de 135 euros. Le code des douanes prévoit pour les contrebandiers une peine d’emprisonnement de 10 ans, et une amende pouvant représenter dix fois la valeur de l’objet de la fraude.
« Quand plus de 50% du marché de la cigarette sera parallèle, le monopole d’État tombera. On est arrivé à un point de basculement très inquiétant », conclut Fabrice Lefebvre.
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