Marc Desaubliaux est un artiste prolifique, auteur de neuf ouvrages différents. Lui qui écrit depuis ses jeunes années avait déjà abordé le sujet de l’existence morne d’un bourgeois qui s’ennuie, torturé et incapable de s’exprimer. Pour y parvenir, le protagoniste décide de poser sur papier ses pensées : ses rêves, ses cauchemars ainsi que ses fantasmes parasitaires.
Dans cette introspection intimiste et sincère, le personnage principal éprouve des difficultés à communiquer avec lui-même ainsi qu’avec les autres. Est-ce lui qui a un problème, ou bien le système dans lequel il est né ? Quoiqu’il en soit, Louis Puissonier-Tavernier s’ennuie. L’existence est une suite d’occasions ratées, des opportunités noyées dans l’œuf. Pour ce jeune homme prédisposé à de grands projets : ENA ou carrière dans le Droit, difficile de prendre une décision mûrement réfléchie. Le pari est osé pour l’auteur : mettre des mots qui feront vibrer son lecteur, pour décrire une vie où le personnage principal n’éprouve pas grand-chose. Et pourtant, la découverte de cet ouvrage s’annonce particulièrement réaliste. L’écrivain n’hésite pas à délivrer un puissant message au sujet des hautes sphères et des plus riches : l’argent ne fait pas le bonheur. Il faut encore avoir du cœur et le désir de réussir…
Après avoir croisé une connaissance de longue date et qu’il aimait profondément, Louis s’évanouit. C’est sur ce malaise, cette perte de contrôle que débute ce récit. Sa vie, c’est aussi celle de sa famille qui cultive des attentes spécifiques pour ce français catholique, blanc, vivant dans les beaux quartiers de la capitale dans les années 50.
Délaissé par ses parents, le héros reste dans l’ombre de sa sœur qui souffre d’anorexie. Lorsque tous les regards sont braqués sur elle, personne ne tend l’oreille pour entendre la complainte de Louis. Après tout, il n’est pas malade, lui. Secoué par une colère froide qu’il n’exprime jamais, le protagoniste semble doué pour les arts, surtout la peinture. Comme les clichés ont la dent dure, ce secteur est méprisé par sa classe. Plutôt que s’adonner à ce domaine qui l’inspire, Louis est soumis à des marionnettistes. Le pantin de la famille se plie selon le bon vouloir de papa et maman, le plongeant dans une dépression dont il ne parvient pas à se tirer.
Entouré par de nombreux individus, mais terriblement seul, Louis entre dans un cycle éternel d’autodestruction : « Il n’y a pas pire solitude qu’au milieu des gens heureux. » En ignorant ses plaies mal refermées, le personnage passe par des états lamentables, retranscrits sous une plume sensible et parfois sarcastique. Marc Desaubliaux expose ici les différents drames ordinaires qui font partie de l’existence de chacun. Cela inclut le chantage et la pression familiale, qu’ont les aînés sur les enfants. Ceux-ci reproduisent des schémas toxiques, les emprisonnant dans des cases où ils peinent à sortir. Il est grand temps de vivre pour soi : voilà ce que le lecteur peut se dire, en contemplant le triste parcours de Louis.
Dans ce roman riche en émotions, Marc Desaubliaux aborde des sujets qui fâchent : l’addiction et les relations chaotiques, où les expériences frôlent l’extrême. C’est le cas de la romance qui unit Louis à Carole-Anne, une jeune femme en quête de sensations fortes et qui ne connaît pas de limite. Dans cette recherche existentielle, Louis ignore volontairement ses instincts de survie. Au cours de son parcours mouvementé et stagnant à la fois, il est même amené à voyager en URSS, dans des conditions dangereuses.
Les lecteurs qui souhaitent découvrir la plume de Marc Desaubliaux pourront se lancer avec ce projet abouti. Il est intéressant de s’interroger soi-même sur la portée des axes traités par l’auteur, dans la vie réelle. Dans la haute société, il est toujours question de sauver les apparences. Aborder l’anorexie d’Eugénie ? Impossible. Se marier par amour, choisir la carrière de ses rêves ? Jamais. Il est plus important de respecter les désirs des anciens, afin de maintenir et poursuivre la tradition… Les résultats sont dramatiques, puisque Louis sombre dans les excès en tous genres. C’est normal : lui qui a été surprotégé subit plus qu’il n’agit. Tout dépend des autres, jamais de lui…
Marc Desaubliaux réussit à délivrer un roman puissant, où l’enfance pose les fondations d’une existence difficile. Tout au long de sa vie, Louis reste un protagoniste soumis au bon vouloir de ses parents étouffants, croyant bien faire pour le futur d’une famille « idéale », mais pourrie jusqu’à la moelle. Déviances sexuelles et violences composent un quotidien qui oppresse le lecteur, sous les traits d’un « homme sans volonté », prisonnier de sa propre timidité. L’auteur a su parfaitement retranscrire la psychologie torturée d’un adolescent devenu adulte, qui a l’impression de n’être personne…
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